Tunisie: des jihadistes contre Ben Ali
Un groupe armé revendique les échanges de tirs avec les forces de l'ordre.
Par GARÇON José
QUOTIDIEN : mercredi 10 janvier 2007
Zine Ben Ali est-il informé par Libération ? Si le président tunisien n'a toujours pas soufflé mot sur les affrontements sanglants qui ont eu lieu fin décembre et début janvier aux environs de Tunis, Echourouk, un quotidien proche du pouvoir, a confirmé hier globalement et dans le détail les informations publiées le 5 janvier par Libération.
Officiellement, Tunis argue toujours d'une «instruction en cours» pour s'en tenir à sa version des événements mettant en cause des «criminels». Mais Echourouk confirme que c'est bien un groupe «salafiste actif au Maghreb» qui y est impliqué et que son chef, «qui a succombé à ses blessures après l'affrontement de Solimane», s'appelle bien Lassad Sassi. Echourouk confirme aussi que les salafistes étaient fortement armés. «La puissance de feu, les armes utilisées, y compris des fusils-mitrailleurs et des lance-roquettes RPG, témoignent d'éléments bien entraînés, voire rompus au combat», écrit ce journal qui se réfère à des «sources bien informées». Selon un témoignage cité par l'AFP, la fusillade de Solimane a mis aux prises les forces de l'ordre et «au moins cinq éléments retranchés dans une habitation en construction à l'entrée de Solimane».
Black-out. Plusieurs titres de la presse privée tunisienne évoquent aussi la piste terroriste. Les salafistes «s'entraînaient dans un triangle situé entre les monts de Hammam Lif, la région de Grombalia et celle de Solimane», affirmait lundi Tunis-Hebdo, en précisant qu'ils «comptaient s'en prendre à des sites touristiques et économiques, particulièrement du côté de Hammamet et Sousse». Quant à l'hebdomadaire Akhbar al-Joumhouriya, il titrait : «Nous voulons la vérité».
L'impossibilité de maintenir le black-out sur cette affaire a visiblement contraint Ben Ali à admettre, par presse interposée, l'existence de groupes salafistes. «Il l'utilisera aussi pour montrer que le danger islamiste menace toujours la Tunisie et que face à lui il reste le seul rempart», estime un opposant.
En réalité, Tunis semble avoir été surpris par cette affaire qui aurait fait au moins une trentaine de morts et de nombreux blessés. Après ces affrontements, Ben Ali aurait limogé de facto le directeur de la Sûreté nationale, nommé en juin, en lui demandant de «rester chez lui». D'autres accrochages auraient eu lieu près de Ghadamès, à la frontière algéro-tuniso-libyenne, tandis que les forces de l'ordre découvraient une cache d'armes en bord de mer à Amilcar, près de Tunis.
Vide. Ces incidents ne signifient nullement que la Tunisie renoue avec l'islamisme des années 90, impitoyablement combattu par Ben Ali. Mais la répression de toute opposition, y compris pacifique et démocratique, a créé un vide qui favorise l'émergence d'un radicalisme incontrôlable dans certaines franges minoritaires de la jeunesse.
La situation internationale, marquée par la montée en puissance du jihadisme, a fait le reste. D'autant que ces groupes extrémistes dénoncent l' «occidentalisation» des pays arabes «modérés» qui «nieraient les valeurs musulmanes». Ils jouent sur du velours : des Tunisiens ne nourrissant aucune sympathie à l'égard des islamistes ont eux-mêmes été choqués par «l'étalage outrancier des décorations et des bûches de Noël dans certains magasins de Tunis, notamment Carrefour». Résultat ? Les islamistes maghrébins, qui n'avaient jamais vraiment collaboré ou coordonné leurs actions, ont trouvé dans le jihad un dénominateur commun qui les rapproche.
Une chose est sûre : dans un communiqué parvenu lundi au journal El Wasat à Londres, un groupe nommé Jeunesse de l'unification et du jihad revendique les opérations de Hammam Lif et de Solimane, «programmées contre le dictateur mécréant Ben Ali». Et précise avoir «précipité son calendrier en raison des persécutions des femmes portant le hidjab», allusion à la campagne lancée depuis septembre à Tunis contre le port du foulard.
Liberation.fr
Un groupe armé revendique les échanges de tirs avec les forces de l'ordre.
Par GARÇON José
QUOTIDIEN : mercredi 10 janvier 2007
Zine Ben Ali est-il informé par Libération ? Si le président tunisien n'a toujours pas soufflé mot sur les affrontements sanglants qui ont eu lieu fin décembre et début janvier aux environs de Tunis, Echourouk, un quotidien proche du pouvoir, a confirmé hier globalement et dans le détail les informations publiées le 5 janvier par Libération.
Officiellement, Tunis argue toujours d'une «instruction en cours» pour s'en tenir à sa version des événements mettant en cause des «criminels». Mais Echourouk confirme que c'est bien un groupe «salafiste actif au Maghreb» qui y est impliqué et que son chef, «qui a succombé à ses blessures après l'affrontement de Solimane», s'appelle bien Lassad Sassi. Echourouk confirme aussi que les salafistes étaient fortement armés. «La puissance de feu, les armes utilisées, y compris des fusils-mitrailleurs et des lance-roquettes RPG, témoignent d'éléments bien entraînés, voire rompus au combat», écrit ce journal qui se réfère à des «sources bien informées». Selon un témoignage cité par l'AFP, la fusillade de Solimane a mis aux prises les forces de l'ordre et «au moins cinq éléments retranchés dans une habitation en construction à l'entrée de Solimane».
Black-out. Plusieurs titres de la presse privée tunisienne évoquent aussi la piste terroriste. Les salafistes «s'entraînaient dans un triangle situé entre les monts de Hammam Lif, la région de Grombalia et celle de Solimane», affirmait lundi Tunis-Hebdo, en précisant qu'ils «comptaient s'en prendre à des sites touristiques et économiques, particulièrement du côté de Hammamet et Sousse». Quant à l'hebdomadaire Akhbar al-Joumhouriya, il titrait : «Nous voulons la vérité».
L'impossibilité de maintenir le black-out sur cette affaire a visiblement contraint Ben Ali à admettre, par presse interposée, l'existence de groupes salafistes. «Il l'utilisera aussi pour montrer que le danger islamiste menace toujours la Tunisie et que face à lui il reste le seul rempart», estime un opposant.
En réalité, Tunis semble avoir été surpris par cette affaire qui aurait fait au moins une trentaine de morts et de nombreux blessés. Après ces affrontements, Ben Ali aurait limogé de facto le directeur de la Sûreté nationale, nommé en juin, en lui demandant de «rester chez lui». D'autres accrochages auraient eu lieu près de Ghadamès, à la frontière algéro-tuniso-libyenne, tandis que les forces de l'ordre découvraient une cache d'armes en bord de mer à Amilcar, près de Tunis.
Vide. Ces incidents ne signifient nullement que la Tunisie renoue avec l'islamisme des années 90, impitoyablement combattu par Ben Ali. Mais la répression de toute opposition, y compris pacifique et démocratique, a créé un vide qui favorise l'émergence d'un radicalisme incontrôlable dans certaines franges minoritaires de la jeunesse.
La situation internationale, marquée par la montée en puissance du jihadisme, a fait le reste. D'autant que ces groupes extrémistes dénoncent l' «occidentalisation» des pays arabes «modérés» qui «nieraient les valeurs musulmanes». Ils jouent sur du velours : des Tunisiens ne nourrissant aucune sympathie à l'égard des islamistes ont eux-mêmes été choqués par «l'étalage outrancier des décorations et des bûches de Noël dans certains magasins de Tunis, notamment Carrefour». Résultat ? Les islamistes maghrébins, qui n'avaient jamais vraiment collaboré ou coordonné leurs actions, ont trouvé dans le jihad un dénominateur commun qui les rapproche.
Une chose est sûre : dans un communiqué parvenu lundi au journal El Wasat à Londres, un groupe nommé Jeunesse de l'unification et du jihad revendique les opérations de Hammam Lif et de Solimane, «programmées contre le dictateur mécréant Ben Ali». Et précise avoir «précipité son calendrier en raison des persécutions des femmes portant le hidjab», allusion à la campagne lancée depuis septembre à Tunis contre le port du foulard.
Liberation.fr