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    TX de Chomage > Le problème des statistiques dans le pays

    Tolkien
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    Message  Tolkien Ven 15 Juin 2007 - 4:50

    Le problème des statistiques dans le pays est, on ne peut plus, sérieux
    par Mohammed Kouidri*

    Le taux de chômage pour 2004 en Algérie allait de 26% à 13% en passant par 18% (!!!).

    Les Algériens ont été agréablement surpris par la chute du taux de chômage annoncé par l'Office National des Statistiques (ONS). Cet indicateur qui peut faire le bonheur ou le cauchemar d'une nation est tombé sous le seuil psychologique de 20%(1), pour la première fois depuis l'éclatement de la crise sociétale du milieu des années 80. Mais, cette joie de renouer avec une Algérie qui gagne a été un peu estompée par des annonces de chiffres qui remettent en cause ce qui semblait être une donnée sérieuse.

    Diamétralement opposés, étonnants et parfois peu argumentés, les chiffres ainsi avancés (13% et 26%) révèlent la gravité du problème des statistiques dans le pays. Le problème est d'autant plus sérieux qu'il s'agit d'un instrument stratégique de la plus haute importance qui fonde la gestion et la politique des Etats. Faut-il rappeler que le terme statistique se confond historiquement et étymologiquement avec celui de l'Etat. Du latin status, qui veut dire état, il a donné Statista, homme d'Etat en italien, Stadt en allemand, State en anglais, etc... tant et si bien qu'on pourrait dire que la naissance de l'Etat s'est faite en même temps que celle des statistiques. La pratique des dénombrements remonte à loin dans l'histoire.



    Comment en est-on arrivé là ?



    Un expert, signalant que le BIT a réalisé une enquête en 1997 (?)(2), dont le résultat aurait été de 17%, déclare que « le taux, qui a le plus de chances d'être retenu, est celui de 13 % ». Ce même expert se dit étonné par les résultats de l'enquête ONS 2004 qui, selon lui, n'a pas pris en considération « certains éléments », sans préciser lesquels. A une autre occasion, il ajoute même que « Les offices de statistiques au Maghreb n'adoptent pas encore les normes de l'Institut international du travail »(3). Est-ce à dire que les pays de la région dont parle Monsieur le Chef du gouvernement devraient baisser encore plus leur taux de chômage s'ils adoptaient ces normes ? Dans ce cas, notre taux se situerait à un niveau inférieur à celui de l'Allemagne. Ce qui est incompréhensible c'est que le BIT lui-même affiche sur son site web, pour l'année 1997, un taux de chômage de 26% pour l'Algérie, chiffre qu'il reprend de l'ONS justement.

    Ce qui est intéressant dans cette polémique est qu'elle situe le débat sur le terrain technique qui est, en fait, à la base du débat des politiques. En effet, cette prise de position mérite qu'on s'y intéresse dans la mesure où, en baissant le taux de chômage de manière inexpliquée, elle biaise la réalité et risque de mal servir les décideurs en matière de programmes de lutte contre le chômage. On devine sans aucune difficulté ce que cela signifierait pour des millions d'Algériennes et d'Algériens. Techniquement, elle soulève quelques questions sur la provenance d'un taux de chômage aussi bas et le rôle du BIT dans la production de statistiques nationales. Le chiffre est d'autant plus controversé que d'autres estimations tirent le taux officiel avancé par l'ONS vers le haut, très haut. Pour le rapport de la Banque Mondiale, le taux le plus probable serait de 20% mais monsieur Ighil Ahriz va jusqu'à 26% sur la base d'une enquête(4) et une critique solidement argumentée des données de l'ONS, qu'il trouve « incohérentes et contradictoires ».

    Tel qu'on peut le constater, l'écart entre les chiffres est trop grand. Le fait est tellement grave que le débat technique devient aussi urgent que nécessaire. La science légitime la politique, celle-ci l'oriente, comme dirait Jacques Véron(5). Un responsable politique est un décisionnaire, un Policy-maker, l'expert ne l'est pas, c'est un « homme de l'ombre » selon l'image consacrée, mais son travail est fondamental spécialement lorsqu'il s'agit de statistiques, indispensable comme « aide à la décision », pour une bonne gouvernance moderne.



    Qu'en est-il au fond ?



    Il est vrai que nous avons toujours exploité les statistiques de l'ONS avec prudence, notamment lorsqu'il s'agit du taux de chômage. Néanmoins, cet organisme qui bénéficie d'un riche apport en matériel et experts dans le cadre de la coopération internationale, est une grosse machine à produire les statistiques en Algérie depuis très longtemps. Il a l'inconvénient de la lourdeur et de l'esprit routinier propre à un certain service public qui le mènent parfois à sortir des chiffres incohérents mais il a aussi des atouts techniques incontestables pour mener des enquêtes régulières et d'envergure comme celle de l'emploi. Il met à contribution des dizaines d'experts jouissant d'une expérience moyenne d'une quinzaine d'années, régulièrement recyclés, dont certains dépassent la trentaine d'années d'ancienneté, appuyés par des dizaines de contrôleurs chevronnés (expérience moyenne, une vingtaine d'années) qui assurent, pour chacun d'entre eux, le suivi rigoureux de trois enquêtrices expérimentées et bien formées et ce, à travers l'ensemble du territoire national. La définition du chômage est intégralement reprise au BIT. Ce dernier s'adresse quasi exclusivement à l'ONS pour ses besoins en statistiques sur l'Algérie.

    Le taux officiel de 2004 est issu d'une grosse enquête dont l'échantillon a porté sur plus de 13.000 ménages et dont les méthodes scientifiques et techniques, théoriques du moins, sont éprouvées. On ne peut pas en dire autant des conditions dans lesquelles a été réalisée l'étude que le journaliste attribue au BIT. Pour le rapport de la Banque Mondiale, il s'agit d'une estimation et non d'une enquête. L'enquête d'Ecotechnics n'a pas la dimension de celle de l'ONS mais elle a été faite sur plus de 5.000 ménages, tout de même, avec des garanties de bonne qualité certaines. L'avantage du privé est qu'il ne souffre pas du fonctionnariat ni de la mentalité routinière, il est tenu de fournir des données aussi irréprochables que possible, il y va de son label, de sa place sur le marché et donc de son existence. Et pour cela, il peut attirer et motiver les meilleures compétences en y mettant le prix, chose que le secteur public ne peut pas faire. Ceci dit, la meilleure comparaison reste celle des méthodologies et des techniques utilisées lors de rencontres appropriées qui font cruellement défaut en Algérie.

    En se référant au taux avancé par l'étude financée par le BIT, l'expert déclare : « le taux de 18% me semble supérieur à celui réel qui doit se situer entre 12 et 14% ». Pourquoi ? L'article ne le précise malheureusement pas. Le fait qu'une étude soit financée par une agence internationale ne lui garantit aucune qualité autre que celle que lui confère son auteur. Dans l'article, il n'est question ni de son auteur ni de sa nature ni de sa méthodologie et des techniques employées.

    Si l'on considère le chiffre de 17% en 1997 de l'étude attribuée au BIT « Cela pose problème, car entre 1997 et 2004, peut-on accepter une augmentation du chômage alors qu'il devait y avoir une baisse ? » comme le dit si bien l'expert du BIT. Il serait, en effet, aberrant d'admettre un taux qui lui serait supérieur sept années plus tard connaissant l'évolution nettement positive de la situation algérienne, surtout depuis le tournant décisif de 1999 qui a inversé la tendance de récession sans fin et de dégradation sociale continue qui prévalaient une dizaine d'années durant. Ce débat n'aurait pas du tout lieu d'être. La question préalable est donc de savoir si on pouvait objectivement être à hauteur de 17% de taux de chômage en 1997. La divergence provient de là. Pour cette même année, le taux de chômage de l'ONS se situait à hauteur de 26% comme on peut le lire y compris sur le site web du BIT lui-même. Le problème c'est que l'étude qui aurait donné un taux aussi bas (9 points de différence avec l'ONS) ne peut pas faire l'objet de critique, positive ou négative, puisqu'on ignore tout sur sa nature, ses auteurs et sur sa scientificité. De toute façon, la littérature du BIT ne mentionne nulle part un taux aussi bas pour cette période.

    Si c'est pour constater une baisse du taux de chômage en Algérie, les données de l'ONS suffisent largement, ils suscitent même l'étonnement et le scepticisme d'autres experts pour qui le taux de chômage serait beaucoup plus élevé, en réalité. Sur la base des données de l'ONS, la chute du taux de chômage (il ne s'agit pas seulement d'une baisse) est surprenante comme le montre la courbe d'évolution annuelle.

    Cette chute exceptionnelle apparaît plus nettement à partir de l'an 2000. De 30%, le taux de chômage a baissé jusqu'à 28% en 2002 (1 point(6) par an) puis a carrément dégringolé de 4 points en 2003 et de 6 points en 2004. Cela pourrait s'expliquer, en grande partie, par les effets de la nouvelle situation favorable créée par le retour progressif à la sécurité et la stabilité, les investissements du privé national et international, les programmes ambitieux de développement engagés concrètement sur le terrain à la faveur d'une embellie financière, en particulier le gigantesque Programme de Soutien à la Relance Economique et la politique résolue de lutte contre la pauvreté et le chômage inaugurée par la mémorable Première Conférence Nationale de Lutte Contre la Pauvreté et l'Exclusion présidée par le Chef de l'Etat lui-même.



    En définitive ?



    Avec une population active estimée à 9,5 millions, cela ferait près d'un demi-million d'actifs algériens qui seraient de faux chômeurs et que la politique socioéconomique doit prendre en charge si les pouvoirs publics adoptaient le taux de 18% alors que c'est le chiffre de 13% qui est le plus judicieux. On imagine aisément le gaspillage que cela occasionnerait au moment où chaque sou compte et la rigueur est plus qu'exigée, sans compter l'effet de morosité que cela entretient sur le moral des responsables et de la communauté nationale dans son ensemble. Il est prouvé que le moral d'une population est fonction de l'effet de l'information qu'elle reçoit sur elle-même et que la vigueur de cette dernière est fonction de la qualité et de la crédibilité du procédé de sa production.

    Si, en revanche, les responsables politiques venaient à considérer le deuxième chiffre alors que c'est le premier qui est le plus proche de la réalité, ce serait autant d'actifs, et leurs familles (soit environ 3 millions et demi d'Algériens et Algériennes, compte tenu de la taille du ménage moyen) qui seraient exclus du bénéfice de l'action sociale spécifique parce que considérés comme ayant un revenu alors qu'en réalité ils en sont privés. C'est toute une partie de la population (plus du dixième de la population totale) qui serait victime de cet « abandon » à cause d'une erreur d'expertise. Les conséquences d'une telle décision seraient dramatiques pour les concernés et pour la société tout entière car elles pourraient porter gravement atteinte aux équilibres sociaux et menacer la fragile cohésion sociale, qui ne s'est pas encore remise des terribles chocs des deux décennies passées et la très difficile transition vers l'économie de marché. Elles entraveraient sérieusement, en tout cas, les efforts titanesques déployés pour la concorde civile et la réconciliation nationale, en jetant une partie aussi importante de la population dans l'exclusion.

    Le même raisonnement, en remplaçant le taux de l'ONS par celui d'Ecotechnics qui estime la population active à 11 millions environ, donnerait plus de dix millions d'Algériens et d'Algériennes qui serait marginalisés, soit le tiers de la population totale.

    Comme on peut le constater, par le calcul et sur le graphique, l'écart entre des chiffres est décidément trop grand. Ce petit exercice démontre, s'il en est besoin, toute la rigueur qui doit être observée sur le double plan méthodologique et scientifique lorsqu'on aborde l'analyse critique de tels indicateurs. La comparaison critique des méthodologies suivies et des techniques employées dans les deux cas serait idéale pour, à la fois, expliquer les raisons d'un tel écart entre les chiffres et répondre à la question de savoir quel est le meilleur d'entre les deux. Le trop grand déséquilibre entre les termes de la comparaison la rend tout simplement impossible. On a d'un côté, deux enquêtes quoique de taille différente et de l'autre, une estimation dont on ne connaît ni la base ni les arguments. Quoiqu'il en soit, la chute du taux de chômage, bien réelle, s'exprime en points de pourcentage. Les grandes nations se battent pour gagner des décimales. Ce pas de géant pour notre pays est relatif car, il intervient après une très grande détérioration de la situation socioéconomique. Il y a comme un phénomène de récupération après une catastrophe, grâce au tournant évoqué plus haut. On a souvent observé le même phénomène après les guerres et le retour à la paix, les trois glorieuses par exemple. En temps normal, la progression ne peut pas être aussi fulgurante. Le Gouvernement Schröder est en perte de vitesse notamment à cause d'un taux de chômage qui dépasse légèrement les 11%, mais, même dans un contexte particulier, pourrait-on se comparer à l'Allemagne ? Proposer un taux de chômage très proche du sien, en l'absence d'arguments convaincants, risque d'être contre-productif au plan psychosocial et politique eu égard aux efforts consentis et l'exploit réalisé. L'inclinaison de la courbe serait irrationnelle comme l'indiquent les pointillés sur le graphique, il y va de la crédibilité de nos institutions et de l'image de notre Gouvernement et notre Etat. Selon cette logique, le pays devra établir un plan d'importation massive de main-d'oeuvre dès l'année prochaine 2006. Les travailleurs chinois, de plus en plus nombreux chez nous, sont là pour une tout autre raison. Le président de la République, répondant à ceux qui se plaignaient que le pays fasse appel à cette main-d'oeuvre alors que le taux de chômage est très élevé, a eu cette petite phrase, dans la langue de la vérité : « Ils ont réalisé le Sheraton en 17 mois, nous avons mis 17 ans pour construire l'Aurassi ». Même si le recours à des bases de calcul adoptées par des pays de la région pouvait nous faire gagner encore quelques points, tenons-nous en aux normes internationales, on n'en sera que plus crédibles parce que sérieux. La question fondamentale n'est-elle pas To be or not to be, quitte à afficher des taux de chômage impopulaires, mais défendables ? C'est le sens que je donne à la déclaration de Monsieur le Chef du gouvernement qui, me semble-t-il, invite à la sérénité et la rigueur.
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    Message  Tolkien Ven 15 Juin 2007 - 4:50

    suite >>

    En effet, ce n'est pas parce qu'il y a des pays de la région qui font des « triturations de bureau» comme on dit dans le jargon des professionnels que nous sommes obligés d'en faire autant pour afficher des taux de chômage inférieurs. Les réformes engagées et les programmes gigantesques lancés, surtout depuis le plan de soutien à la relance et bientôt celui du soutien de la croissance suffisent largement à le faire et plus vite qu'on ne l'espérait durant la période de notre « post-trauma ». Ce sera ça l'exploit de l'Algérie renaissante moderne, forte et crédible. Hélas, pour nous ! Même lorsqu'il y a création de beaucoup d'emplois, l'effet ne se fait sentir que très faiblement, principalement à cause de deux facteurs : le caractère majoritairement précaire des emplois créés et ce que l'on appelle « la trappe malthusienne », c'est-à-dire en termes plus simples, la forte demande additionnelle d'emplois, résultat du rythme de croissance démographique rapide des décennies passées.

    La démographie « galopante », ce don béni dans d'autres circonstances, qui fait tellement défaut dans les pays avancés, devient une calamité dans le contexte des pays en développement. La demande additionnelle annuelle moyenne est estimée à environ 300 000 nouveaux demandeurs d'emploi. Les enfants du baby-boom d'avant le milieu de la décennie 80, continuent à arriver en masse sur le marché de l'emploi. Alors, quand par exemple 600 000 emplois nouveaux sont créés pendant une année, cela se traduit par la moitié seulement en terme de réduction du chômage, ce qui représente peu au regard du « stock » de chômeurs déjà existant.

    L'autre phénomène qui affaiblit l'impact de la création d'emplois est celui de l'arrivée massive des femmes sur le marché du travail et qui se retrouvent majoritairement en chômage. Dès le début des années 90, Philippe Fargues(7) avait relevé qu'avant la grave crise qui avait secoué le pays, les familles n'avaient pas besoin de l'activité féminine, un revenu suffisant était immanquablement assuré par les hommes grâce à la distribution des recettes des hydrocarbures sous forme salariale. Mais depuis la crise qui a jeté des pans entiers de la société dans le chômage et la pauvreté, les ménages n'hésitent plus autant qu'auparavant à envoyer leurs filles et leurs femmes au travail. Le relèvement du niveau d'éducation et de qualification des filles est un facteur explicatif supplémentaire du phénomène. La différence majeure entre Ecotechnics et l'ONS réside à ce niveau ; il y a une divergence entre eux sur environ 900 000 femmes actives dont la plus grande partie est en chômage. Ce grand écart fait dire à Monsieur Ighil Ahriz(Cool qu'il y a impasse des statistiques officielles sur l'explosion de l'activité féminine.

    Il peut y avoir là deux problèmes : l'incohérence des données de l'ONS d'année en année comme il a été magistralement démontré par l'article et une sorte de « surestimation déclarative » de l'activité féminine. On sait maintenant, après plusieurs enquêtes, que beaucoup de programmes de développement, nationaux et de coopération internationale, ont intégré la dimension genre dans leurs projets en prévoyant une aide à la création d'activités génératrices de revenu pour les jeunes filles et les femmes. Le plus souvent, l'aide apportée consiste en un outil de travail supposé adapté à la culture et l' « employabilité » féminine, c'est-à-dire des machines à coudre, à tisser, ou du matériel pour d'autres activités à domicile. En milieu rural, il y a eu aussi du petit élevage, avicole ou apicole par exemple. Toutes les familles algériennes sont aujourd'hui au courant de cette démarche et cela les conduit, lors des enquêtes comme celle de l'emploi et le chômage, à « sur déclarer » le chômage de leurs filles et femmes. Il a été prouvé aussi que dans beaucoup de cas, la déclaration du chômage féminin avait pour objectif d'acquérir l'aide pour l'auto-consommer ou la « monnayer » sur le marché par la suite. Selon un dicton très populaire : « Tout ce qui peut être arraché à l'Etat est bien venu ».

    Pour ce qui est des activités informelles, il est vrai qu'il serait très hasardeux de trancher sur la question, et pour cause. Il y a lieu de préciser, néanmoins, ce que recouvre ce terme et la réalité qui est la sienne. Il y a un informel qu'il faut « rendre visible » parce qu'il est pourvoyeur d'emplois et sans menaces sérieuses contre l'économie nationale. De toute manière, avec l'ouverture du marché national et l'OMC qui s'annonce, les petits « beznassa » qui remplissaient les aéroports, les avions, les bus, taxis et trains commencent déjà à faire partie de l'histoire ancienne. Du « bezness » à la « Hadda » aux « Harraga », les choses ont évolué. Il y a l'autre informel qui est dangereux pour l'économie et la société et que l'Etat combat pour cette raison, celui-là ne peut pas rentrer en ligne de compte. Enfin, l'informel quel qu'il soit, peut procurer un revenu mais sans garantir une intégration sociale. Cette loi universelle est valable pour l'Algérie aussi.

    Mais on ne peut pas dire, en revanche, que la création d'emplois en Algérie s'est limitée au secteur informel comme le suggèrent certains écrits et/ou déclarations. Pour certains : « En Algérie, les emplois créés actuellement ne produisent pas des effets d'intégration économique et sociopolitique »(9). Pour d'autres, la baisse du chômage est due : « à l'augmentation du travail dans le secteur informel »(10). Le premier inconvénient est que ces déclarations restent vagues et non corroborées. Le deuxième inconvénient est que trop d'insistance sur l'informel risque d'escamoter les réels progrès dans le secteur formel même si les besoins restent énormes. Des centaines de milliers d'emplois ont été créés grâce à plusieurs programmes de différents secteurs. Le ministère de l'Emploi et de la solidarité nationale ainsi que celui de l'Agriculture ou de la PME/PMI, et ils ne sont pas les seuls, ont engagé des sommes colossales pour « fouetter » le marché de l'emploi. Sur ce point Monsieur Ighil Ahriz a un point de vue plus équilibré, il écrit : « Contrairement à ce qu'on pourrait penser, le secteur informel, au sens d'unités de production, n'aurait pas plus d'importance dans l'économie depuis 1996 ». Quant à l'informel, au sens du formel non déclarant, il estime son augmentation à 800 000 en huit années, soit en moyenne 100 000 emplois par an seulement. De plus, cet informel là est compris dans le calcul du taux de chômage de toute façon. Après quoi, il poursuit « Personne ne peut nier que l'emploi a connu une forte croissance au cours de ces dernières années et il s'agit d'un résultat extrêmement positif et inespéré. Le bon sens dicterait plutôt que l'effort soit poursuivi, en mieux. En mettant en oeuvre les réformes nécessaires à la croissance de l'économie. Plusieurs indices montrent que c'est la voie qui est poursuivie. Cela suffit amplement et il n'est nullement nécessaire de faire baisser artificiellement le taux de chômage ou d'ignorer une forte croissance de la population active à laquelle on ne s'attendait pas ». Il dit cela à propos du taux de 18% donné par l'ONS pour 2004, alors que pourrait-on dire de celui de 13% pour la même année ?

    Conclusion : Discuter du chômage et de l'emploi est une affaire sérieuse qui devrait interpeller les spécialistes et institutions concernées, publiques, privées et internationales pour un débat large et forcément fructueux. Une énorme responsabilité et une extraordinaire obligation de rigueur incombent particulièrement aux experts, même lorsqu'ils ne sont pas officiellement associés, et peut-être surtout lorsqu'ils sont dans cette posture, ils n'en sont que plus indépendants. Les performances de notre pays en matière de lutte contre le chômage et la pauvreté sont plus qu'honorables, on s'en rend compte lorsqu'on se rappelle la situation chaotique d'il y a tout juste une demi-douzaine d'années. Nier cela ou recourir à des « triturations de bureau » pour les démontrer ne sert pas la cause, bien au contraire. « Ma yenfaâ ghir Essah »(11) nous rappelait l'illustre Dr Zerhouni, venu de son pays d'adoption, la superpuissante Amérique, pour être honoré par son pays natal, la belle Algérie meurtrie. Les perspectives qui s'ouvrent au pays sont on ne peut plus prometteuses. Le pays est en mesure d'enregistrer des scores encore beaucoup plus probants à l'avenir, et plus structurels que conjoncturels. Les grands équilibres macroéconomiques n'ont jamais été aussi bons, les réserves de change jamais égalées, le pays après une très dure leçon est résolument tourné vers les méthodes de bonne gouvernance, à l'instar du NEPAD et d'autres engagements internationaux, et le capital humain est appréciable malgré la migration, déjà un peu circulante, de compétences. Assurément, l'avenir nous appartient et le pire est derrière nous. Travaillons donc, prenons de la peine, c'est le fonds qui manque le moins. Le peuple allemand a toujours su reconstruire la plus forte des économies sur les ruines de guerres et de catastrophes bien pires que celle que nous avons vécu, grâce à un principe fondamental qu'il a forgé depuis des lustres : Ehrlichkeit wärt am längsten.(12)


    Notes

    1- L'ONS donne le chiffre exact de 17,7% pour l'année 2004 que nous arrondissons à 18% pour faciliter la chose au lecteur. Il en est de même pour tous les chiffres comportant des décimales. Cela facilitera la lecture sans affecter significativement le raisonnement étant donné le trop grand écart (en points et non seulement en décimales) entre les chiffres des différents protagonistes.
    2- Il s'agit probablement d'une étude et non d'une enquête, car le BIT n'a pas pour mission d'en faire. Il est le Bureau exécutif de la politique de l'Organisation Internationale du Travail (OIT). Il peut, néanmoins financer des études ou assister techniquement un pays membre de l'OIT en y engageant pour cela des experts.
    3- Article de Salah Slimani : « L'emploi au Maghreb ; le taux de chômage difficile à cerner », in El-Watan économie, Supplément hebdomadaire n° 14, du lundi 30 mai au dimanche 05 juin 2005.
    4- Enquête Panel de juillet 2004, réalisée par Ecotechnics qui est un bureau d'études algérien privé qui a acquis une notoriété nationale et internationale. Voir article de Monsieur Ighil Ahriz, « Activité d'emploi en Algérie ; le marché du travail en chiffres », El-Watan Economie, op. cit.
    5- Jacques Véron, éminent démographe, actuellement directeur des relations extérieures au prestigieux Institut National des Etudes Démographiques (INED) de Paris.
    6- Un (1) point de pourcentage pour ce qui est du chômage, dans notre cas, est égal à 9500000 (population active)/100 = 95.000 chômeurs, ce qui est loin d'être négligeable.

    *Enseignant-Chercheur à l'Institut des Sciences Sociales de l'Université d'ES-Sénia Oran et Expert


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