Quelle est l’efficacité des forces aériennes irakiennes ?
Par Denis Ericson (Juillet-Aout 1991 )
Saurons-nous jamais ? A part quelques très rares combats aériens, les avions et hélicoptères irakiens sont restés au sol, se sont enfuis en Iran ou se sont fait tirer « comme des lapins » avec une déconcertante facilité, parfois même sans se défendre ! incompréhensible …
L’armée de l’air irakienne fut créée au milieu des années 30 grâce à l’aide de la Royal Air Force, mais dés 1941, lors du soulèvement fomenté par Rachid Ali, elle se retourna contre son mentor. A cette époque, elle comptait quelques unités de chasse équipées d’Audax, de Gloster Gladiator, de Breda et de Northrop ainsi que de quelques bombardiers Savoia, opérant des bases de Rashid, près de Bagdad, et de Mossoul. Malgré sa supériorité numérique, elle n’obtint que des résultats décevants lorsqu’elle fut engagée contre les Britanniques retranchés dans la base de Habaniya. Néanmoins, pour ses pilotes, ce fut la première occasion d’effectuer des missions opérationnelles.
Lors du 1er conflit Israélo-arabe, les Irakiens engagèrent quelques-uns de leurs avions, mais sans résultats appréciables. Les pilotes irakiens furent également présent dans les campagnes qui suivirent . Un de leurs bombardiers réussit même à survoler le territoire israélien et à bombarder Nathania. Il fut abattu sur le chemin de retour mais c’était quand même la première – et dernière- fois qu’un appareil ennemi pénétrait si profondément en territoire israélien. La « guerre de 8 ans » déclenchée contre l’Iran en septembre 1980 fut l’heure de vérité pour l’armée de l’air irakienne. Elle avait prévu de détruire la force aérienne iranienne au sol grâce à une attaque surprise analogue à celle menée par les Israéliens en 1967. Cette tentative fut un échec total, le premier d’une longue série. En effet, les Irakiens avaient ignoré les conditions d’une telle opération. Non seulement le nombre d’appareil disponible était trop faible mais, de plus, les quelques avions soviétiques dont ils disposaient – Tu-22, Il-28, MiG-23 et autres Su-20 – ne convenaient pas à ce genre de missions. Le nombre de pilotes était lui aussi insuffisant, dans les premières moments de ce conflit, l’Irak n’a pu organiser que 90 missions par jours alors qu’il en aurait fallu des centaines pour atteindre les objectifs prévus pour l’attaque initiale. L’attaque surprise irakienne eut pour cible 6 bases aériennes iraniennes et 4 installations de l’armée de terre. En raison d’une planification rigide et d’un manque de renseignement en temps réel, les pilotes ne s’attaquèrent pas aux avions iraniens garés sans protection sur les aires de dispersion mais appliquèrent les ordres reçus et tentèrent de mettre les pistes hors-service; ce fut un échec. Quelques bombes atteignirent bien leurs objectifs et causèrent des dommages légers mais la plupart d’entre elles ricochèrent en ne créant que des dégâts facilement réparables. Beaucoup de projectiles n’explosèrent pas en raison de fusées défectueuses ou d’un défaut d’armement avant décollage. Une autre raison de l’échec irakien fut la carence de conduite de l’action et d’informations sur les objectifs données aux pilotes, éléments qui furent à l’origine des succès israéliens en 1967. Ces défauts devaient perdurer durant tout le conflit malgré des améliorations certaines en matières de formation des équipages et de qualité des appareils.
En 1982, les Irakiens, de plus en plus déçus par leur matériel d’origine soviétique, se tournèrent vers la France qui leur livra un nombre significatif de Mirage. Les F1, équipés de l’excellent missile air-air Magic, furent rapidement opérationnels et se montrèrent supérieurs à tous les appareils dont ils avaient disposé jusqu’alors. L’avionique des chasseurs Mirage était également supérieurs aux équipements soviétiques pour les besoins de l’attaque au sol. En outre, l’Irak se dota de missiles AM-39 Exocet montés sur hélicoptères Super Frelon. Malgré la portée assez courte du missile, ce système d’arme donnait aux irakiens une capacité d’attaque à distance de sécurité. Pour répondre aux offensives d’été iraniennes, l’armée de l’air irakiennes accrut le nombre de ses raids stratégiques et lança ses premières attaques de missiles sur les villes de Dezful et d’Ahwaz. La guerre du pétrole démarra également à cette époque puisque les 1eres attaques contre le terminal de Kharg eurent lieu en août 1982. le nombre de ces raids était important dans le contexte local mais leur efficacité sur le plan militaire laissait à désirer car leur planification et leur précision étaient insuffisantes. Trop peu de missions étaient organisées contre les objectifs choisis et elles n’étaient pas suivies de frappes complémentaires basés sur une évaluation des dommages causés car les missions de reconnaissance après frappe étaient rares.
Les Iraniens ripostèrent par des pénétrations à basse altitude en territoire irakien, effectués par leurs F-4 Phantom qui connurent quelques succès car ni l’artillerie sol/air ni la défense anti-aérienne ne furent en mesure de s’y opposer. En fait, tout le système de défense aérienne irakien privilégiait les altitudes hautes et moyennes et son efficacité contre les pénétrations basse altitude était limitée. Ce système était une copie des concepts soviétiques; il n’avait que peu de valeur en face des menaces israéliennes et iraniennes. Pourtant, le commandement irakien aurait dû tirer des enseignements des récents conflits israélo-arabes qui avaient été très instructifs. Il n’empêche que les phantom iraniens poursuivirent leurs raids jusqu’à la fin du conflit en 1988.
L’attaque israélienne contre le réacteur osirak, en juin 1981, rappela l’intérêt de ses frappes " chirurgicales". A cette époque, les Irakiens, qui commençaient à avoir des doutes de leurs aptitudes à organiser des opérations aériennes sérieuses, recrutèrent des « conseillers tactiques » égyptiens et indiens, puis demandèrent à la France, à l’URSS et à l’Allemagne de l’Est d’accroître leur assistance technique. Cela produisit quelques améliorations mais les Irakiens continuaient à monter des attaques dispersés au lieu de concentrer leur action. Malgré tout, ils étaient capables d’effectuer plus de 150 missions de combat jour. Alors qu’au sol, les opérations prenaient un caractère statique et que l’initiative passait aux mains des iraniens, l’armée de l’air irakienne lança ses 1eres attaques à longue distance contre les installations pétrolières iraniennes. La France lui avait en effet loué des Super-Etendard de l’aéronavale, armés de missiles exocet. Ces avions, pilotés par du personnel irakien, volaient à haute ou moyenne altitude et étaient protéges par une escorte de mirage F1. En général, les missiles étaient tirés à environ 30 km de l’objectif mais, comme en règles générale des dégâts occasionnés n’étaient évalués grâce à des vols de reconnaissances après les missions, l’efficacité de ses armes coûteuses ( dont 200 étaient disponibles) fut assez faible. Pour ce genre de mission, des projectiles moins onéreux, tels que les bombes classiques, auraient obtenus des résultats tout aussi satisfaisants, sinon meilleurs. En conséquence, les Irakiens décidèrent d’employer des armes chimiques qui auraient qui leur paraissaient plus létales et moins chères. Un certains nombre de leurs avions furent modifiés de façon à pouvoir transporter des charges chimiques en réservoirs externes.
Sur le plan stratégique, toutes ces tentatives se soldèrent par des échecs car la technologie irakienne laissait à désirer ; le rayon d’action de leurs avions était un peu court et leurs missiles anti-navires n’avaient pas assez de puissance pour obtenir des effets décisifs.
Les deux camps répugnaient au combat air-air mais, pendant la première partie du conflit, les pilotes iraniens se montrèrent légèrement supérieurs à leurs adversaires en raison de la formation de qualité qui leurs avaient été dispensée par leurs instructeurs américains. Cependant, les Irakiens tiraient des enseignements de ces rencontres et faisaient un meilleur usage de leurs nouveaux missiles Matra 530 et Magic 1 utilisés avec les différentes versions du mirage F1.
Les chasseurs d’origine soviétique étaient pour l’essentiel employés à des missions d’appui aérien rapproché; celles-ci manquaient d’efficacité car les pilotes opéraient à une altitude trop haute. Beaucoup de ces missions échouèrent par manque de renseignements adéquats et de moyens de transmissions adaptés ; les avions arrivaient trop tard sur les objectifs. Les forces terrestres ne pouvaient pas transmettre les informations nécessaires à l’attaque des objectifs et beaucoup de ceux-ci avaient disparu quand les avions d’appui apparaissaient sur le champ de bataille.
L’attaque des navires prit un nouvel essor quand les pilotes irakiens lancèrent leurs attaques à plus basse altitude et plus près de leurs objectifs. Dans ce domaine, l’aide française joua un rôle important car c’est la france qui fournit des systèmes de navigation inertiels de conception américaine montés sur les Etendard ; elle livra également une nouvelle version du Mirage F1, ravitaillable en vol et pouvant être armée d’Exocet. Ces nouveaux appareils, au rayon d’action amélioré, permirent de renvoyer les Etendard en france, sauf celui qui fut perdu en opérations.
Tous les problèmes n’étaient pas résolus pour autant. L’objectif majeur restait l’île de Kharg qui n’était qu’à 250 km au sud des côtes irakiennes mais cela représentait presque la limite du rayon d’action d’un chasseur à pleine charge. De plus, ces installations étaient extrêmement difficiles à détruire étant donné leur taille, leur dispersion et les moyens consacrés à leur défense. Toujours grâce à l’aide française, les Irakiens mirent en œuvre des contre-mesures électroniques et modifièrent le profil de leurs attaques pour réduire l’efficacité des défenses sol/air. Ils utilisèrent des bombes françaises AS-30 guidés laser en conjonction avec des illuminateurs laser produits par Thomson-CSF, ainsi que des missiles guidés laser soviétiques dont la portée atteignait 15 km et des bombes en grappe. La précision des attaques irakiennes était en nette amélioration. L’organisation des bombardements sur l’île de Kharg fut également modifiée. Les Irakiens envoyèrent une première vague d’avions qui, utilisant des moyens de contre-mesure électroniques français et des missiles anti-rayonnement, neutralisant les missiles Hawk et Shilka, permettant ainsi à la seconde vague de tirer des projectiles à une distance de sécurité d’environ 8 km. Selon certaines informations, les Irakiens auraient également utilisé, durant ces raids, des roquettes Brandt de 68mm. La bombe AS-30 Guidée Laser est munie d’une tête militaire de 240 kg et sa trajectoire horizontale se situe dans une tranche d’altitude inférieure à 100 m, ce qui la rend bcp plus efficace que les rames non-guidées. Les 1eres attaques de ce type furent réussies mais les Iraniens réagirent et accrurent l’efficacité de leur défenses sol/air, ce qui se traduira par la perte de plusieurs Mirage F1. Les Irakiens mirent alors en œuvre une nouvelle méthode d’attaque basée sur une approche à très basse bas niveau suivie d’une montée en altitude pour s’en prendre aux moyens sol/air avant l’arrivée de la 2e vague. Néanmoins, les pertes furent sévères, en particulier parmi les pilotes « qualifiés Mirage », difficile à remplacer. Des stages de formation furent organisés en france mais le défaut de pilotes anciens se faisait sentir. Fin 1985, malgré 77 attaques sur l’île de Kharg, ce terminal pétrolier n’était toujours pas totalement neutralisé.
En août 1986, les Irakiens lancèrent des raids sur les installations de l’île de Sirri, à proximité du détroit d’Ormuz, à plus de 1300 km de leurs bases. A l’occasion de ces missions, menés à haute altitude pour économiser le carburant, ils utilisèrent des Antonov reconvertis en ravitailleurs. Ces raids ont prouvé la valeur technique des pilotes irakiens qui, non seulement devaient assurer une navigation précise, mais encore étaient forcés d’adopter un profil d’attaque rendu dangereux par la présence de Phantom basés dans cette région.
Fin 1986, les Irakiens lancèrent des attaques massives contre les installations militaires iraniennes, y compris un raid à très longue distance contre Larak, ce qui supposait un vol de missions aller-retour de plus de 3700 km. Ce type de missions était confié à des pilotes de Mirage F1 EQ5 particulièrement qualifiés ; malgré tout, certains durent se poser en Arabie Saoudite, à court de carburant. Ces raids déconcertèrent complètement les Iraniens qui pensaient êtres à l’abri de ce genre de surprise, leur inquiétude était grande car plusieurs pilotes pétroliers avaient été atteints au mouillage. Le ravitaillement en vol avait été assuré par des Antonov An-12 reconvertis dans ce rôle et dont 10 étaient disponibles. Les dispositifs de transfert de carburant étaient montés sur palettes et la perte de ravitaillement était installée sur la rampe arrière. Selon certaines informations, les Irakiens auraient également utilisés la technique de ravitaillement « buddy-buddy » à partir d’un avion de combat, mise au point par l’armée de l’air française. Parallèlement, leurs missions d’appui au sol se multipliaient. Mais si les missions à longue portée étaient mieux exécutés qu’au début du conflit, celles consacrées à l’appui rapproché manquaient toujours d’efficacité car menées à une altitude trop élevée.
Les pilotes irakiens avaient fait la preuve de leurs capacités techniques lors d’attaques d’objectifs maritimes dans le golfe. Cette forme d’action atteignit son point culminant quand un Mirage F1EQ prit pour cible le Stark, une frégate radar us qui croisaient à environ 80 miles de Barheïn, au sud de la zone d’exclusion iranienne. Cette attaque, qui devait coûter la vie à 37 marins américains, fut une démonstration de la capacité des avions irakiens à attaquer des objectifs maritimes, même de dimension réduite et capable de se défendre. Le 17 mai dans la soirée, un chasseur irakien décolla de la base de Shaiba pour une mission de nuit, phénomène assez rare pendant ce conflit. Pendant toute la durée de son vol, il fut suivi par un AWACS E-3A de l’armée de l’air américaine opérant à partir de la base de Darhan. A 19h55, l’Irakien était détecté et identifié comme étant un Mirage F1 faisant cap au sud. Cela ne sembla pas surprenant car il était normal pour les appareils irakiens de voler sur ce cap pour aller attaquer des objectifs maritimes à l’intérieure de la zone de sécurité iranienne. Une heure plus tard, ce mirage traversa la « late detect line » passant au milieu du golfe tout en tenant aussi prés que possible de la côte saoudienne. Il fut alors classé comme « écho critique » par la défense aérienne américaine.
Par Denis Ericson (Juillet-Aout 1991 )
Saurons-nous jamais ? A part quelques très rares combats aériens, les avions et hélicoptères irakiens sont restés au sol, se sont enfuis en Iran ou se sont fait tirer « comme des lapins » avec une déconcertante facilité, parfois même sans se défendre ! incompréhensible …
L’armée de l’air irakienne fut créée au milieu des années 30 grâce à l’aide de la Royal Air Force, mais dés 1941, lors du soulèvement fomenté par Rachid Ali, elle se retourna contre son mentor. A cette époque, elle comptait quelques unités de chasse équipées d’Audax, de Gloster Gladiator, de Breda et de Northrop ainsi que de quelques bombardiers Savoia, opérant des bases de Rashid, près de Bagdad, et de Mossoul. Malgré sa supériorité numérique, elle n’obtint que des résultats décevants lorsqu’elle fut engagée contre les Britanniques retranchés dans la base de Habaniya. Néanmoins, pour ses pilotes, ce fut la première occasion d’effectuer des missions opérationnelles.
Lors du 1er conflit Israélo-arabe, les Irakiens engagèrent quelques-uns de leurs avions, mais sans résultats appréciables. Les pilotes irakiens furent également présent dans les campagnes qui suivirent . Un de leurs bombardiers réussit même à survoler le territoire israélien et à bombarder Nathania. Il fut abattu sur le chemin de retour mais c’était quand même la première – et dernière- fois qu’un appareil ennemi pénétrait si profondément en territoire israélien. La « guerre de 8 ans » déclenchée contre l’Iran en septembre 1980 fut l’heure de vérité pour l’armée de l’air irakienne. Elle avait prévu de détruire la force aérienne iranienne au sol grâce à une attaque surprise analogue à celle menée par les Israéliens en 1967. Cette tentative fut un échec total, le premier d’une longue série. En effet, les Irakiens avaient ignoré les conditions d’une telle opération. Non seulement le nombre d’appareil disponible était trop faible mais, de plus, les quelques avions soviétiques dont ils disposaient – Tu-22, Il-28, MiG-23 et autres Su-20 – ne convenaient pas à ce genre de missions. Le nombre de pilotes était lui aussi insuffisant, dans les premières moments de ce conflit, l’Irak n’a pu organiser que 90 missions par jours alors qu’il en aurait fallu des centaines pour atteindre les objectifs prévus pour l’attaque initiale. L’attaque surprise irakienne eut pour cible 6 bases aériennes iraniennes et 4 installations de l’armée de terre. En raison d’une planification rigide et d’un manque de renseignement en temps réel, les pilotes ne s’attaquèrent pas aux avions iraniens garés sans protection sur les aires de dispersion mais appliquèrent les ordres reçus et tentèrent de mettre les pistes hors-service; ce fut un échec. Quelques bombes atteignirent bien leurs objectifs et causèrent des dommages légers mais la plupart d’entre elles ricochèrent en ne créant que des dégâts facilement réparables. Beaucoup de projectiles n’explosèrent pas en raison de fusées défectueuses ou d’un défaut d’armement avant décollage. Une autre raison de l’échec irakien fut la carence de conduite de l’action et d’informations sur les objectifs données aux pilotes, éléments qui furent à l’origine des succès israéliens en 1967. Ces défauts devaient perdurer durant tout le conflit malgré des améliorations certaines en matières de formation des équipages et de qualité des appareils.
En 1982, les Irakiens, de plus en plus déçus par leur matériel d’origine soviétique, se tournèrent vers la France qui leur livra un nombre significatif de Mirage. Les F1, équipés de l’excellent missile air-air Magic, furent rapidement opérationnels et se montrèrent supérieurs à tous les appareils dont ils avaient disposé jusqu’alors. L’avionique des chasseurs Mirage était également supérieurs aux équipements soviétiques pour les besoins de l’attaque au sol. En outre, l’Irak se dota de missiles AM-39 Exocet montés sur hélicoptères Super Frelon. Malgré la portée assez courte du missile, ce système d’arme donnait aux irakiens une capacité d’attaque à distance de sécurité. Pour répondre aux offensives d’été iraniennes, l’armée de l’air irakiennes accrut le nombre de ses raids stratégiques et lança ses premières attaques de missiles sur les villes de Dezful et d’Ahwaz. La guerre du pétrole démarra également à cette époque puisque les 1eres attaques contre le terminal de Kharg eurent lieu en août 1982. le nombre de ces raids était important dans le contexte local mais leur efficacité sur le plan militaire laissait à désirer car leur planification et leur précision étaient insuffisantes. Trop peu de missions étaient organisées contre les objectifs choisis et elles n’étaient pas suivies de frappes complémentaires basés sur une évaluation des dommages causés car les missions de reconnaissance après frappe étaient rares.
Les Iraniens ripostèrent par des pénétrations à basse altitude en territoire irakien, effectués par leurs F-4 Phantom qui connurent quelques succès car ni l’artillerie sol/air ni la défense anti-aérienne ne furent en mesure de s’y opposer. En fait, tout le système de défense aérienne irakien privilégiait les altitudes hautes et moyennes et son efficacité contre les pénétrations basse altitude était limitée. Ce système était une copie des concepts soviétiques; il n’avait que peu de valeur en face des menaces israéliennes et iraniennes. Pourtant, le commandement irakien aurait dû tirer des enseignements des récents conflits israélo-arabes qui avaient été très instructifs. Il n’empêche que les phantom iraniens poursuivirent leurs raids jusqu’à la fin du conflit en 1988.
L’attaque israélienne contre le réacteur osirak, en juin 1981, rappela l’intérêt de ses frappes " chirurgicales". A cette époque, les Irakiens, qui commençaient à avoir des doutes de leurs aptitudes à organiser des opérations aériennes sérieuses, recrutèrent des « conseillers tactiques » égyptiens et indiens, puis demandèrent à la France, à l’URSS et à l’Allemagne de l’Est d’accroître leur assistance technique. Cela produisit quelques améliorations mais les Irakiens continuaient à monter des attaques dispersés au lieu de concentrer leur action. Malgré tout, ils étaient capables d’effectuer plus de 150 missions de combat jour. Alors qu’au sol, les opérations prenaient un caractère statique et que l’initiative passait aux mains des iraniens, l’armée de l’air irakienne lança ses 1eres attaques à longue distance contre les installations pétrolières iraniennes. La France lui avait en effet loué des Super-Etendard de l’aéronavale, armés de missiles exocet. Ces avions, pilotés par du personnel irakien, volaient à haute ou moyenne altitude et étaient protéges par une escorte de mirage F1. En général, les missiles étaient tirés à environ 30 km de l’objectif mais, comme en règles générale des dégâts occasionnés n’étaient évalués grâce à des vols de reconnaissances après les missions, l’efficacité de ses armes coûteuses ( dont 200 étaient disponibles) fut assez faible. Pour ce genre de mission, des projectiles moins onéreux, tels que les bombes classiques, auraient obtenus des résultats tout aussi satisfaisants, sinon meilleurs. En conséquence, les Irakiens décidèrent d’employer des armes chimiques qui auraient qui leur paraissaient plus létales et moins chères. Un certains nombre de leurs avions furent modifiés de façon à pouvoir transporter des charges chimiques en réservoirs externes.
Sur le plan stratégique, toutes ces tentatives se soldèrent par des échecs car la technologie irakienne laissait à désirer ; le rayon d’action de leurs avions était un peu court et leurs missiles anti-navires n’avaient pas assez de puissance pour obtenir des effets décisifs.
Les deux camps répugnaient au combat air-air mais, pendant la première partie du conflit, les pilotes iraniens se montrèrent légèrement supérieurs à leurs adversaires en raison de la formation de qualité qui leurs avaient été dispensée par leurs instructeurs américains. Cependant, les Irakiens tiraient des enseignements de ces rencontres et faisaient un meilleur usage de leurs nouveaux missiles Matra 530 et Magic 1 utilisés avec les différentes versions du mirage F1.
Les chasseurs d’origine soviétique étaient pour l’essentiel employés à des missions d’appui aérien rapproché; celles-ci manquaient d’efficacité car les pilotes opéraient à une altitude trop haute. Beaucoup de ces missions échouèrent par manque de renseignements adéquats et de moyens de transmissions adaptés ; les avions arrivaient trop tard sur les objectifs. Les forces terrestres ne pouvaient pas transmettre les informations nécessaires à l’attaque des objectifs et beaucoup de ceux-ci avaient disparu quand les avions d’appui apparaissaient sur le champ de bataille.
L’attaque des navires prit un nouvel essor quand les pilotes irakiens lancèrent leurs attaques à plus basse altitude et plus près de leurs objectifs. Dans ce domaine, l’aide française joua un rôle important car c’est la france qui fournit des systèmes de navigation inertiels de conception américaine montés sur les Etendard ; elle livra également une nouvelle version du Mirage F1, ravitaillable en vol et pouvant être armée d’Exocet. Ces nouveaux appareils, au rayon d’action amélioré, permirent de renvoyer les Etendard en france, sauf celui qui fut perdu en opérations.
Tous les problèmes n’étaient pas résolus pour autant. L’objectif majeur restait l’île de Kharg qui n’était qu’à 250 km au sud des côtes irakiennes mais cela représentait presque la limite du rayon d’action d’un chasseur à pleine charge. De plus, ces installations étaient extrêmement difficiles à détruire étant donné leur taille, leur dispersion et les moyens consacrés à leur défense. Toujours grâce à l’aide française, les Irakiens mirent en œuvre des contre-mesures électroniques et modifièrent le profil de leurs attaques pour réduire l’efficacité des défenses sol/air. Ils utilisèrent des bombes françaises AS-30 guidés laser en conjonction avec des illuminateurs laser produits par Thomson-CSF, ainsi que des missiles guidés laser soviétiques dont la portée atteignait 15 km et des bombes en grappe. La précision des attaques irakiennes était en nette amélioration. L’organisation des bombardements sur l’île de Kharg fut également modifiée. Les Irakiens envoyèrent une première vague d’avions qui, utilisant des moyens de contre-mesure électroniques français et des missiles anti-rayonnement, neutralisant les missiles Hawk et Shilka, permettant ainsi à la seconde vague de tirer des projectiles à une distance de sécurité d’environ 8 km. Selon certaines informations, les Irakiens auraient également utilisé, durant ces raids, des roquettes Brandt de 68mm. La bombe AS-30 Guidée Laser est munie d’une tête militaire de 240 kg et sa trajectoire horizontale se situe dans une tranche d’altitude inférieure à 100 m, ce qui la rend bcp plus efficace que les rames non-guidées. Les 1eres attaques de ce type furent réussies mais les Iraniens réagirent et accrurent l’efficacité de leur défenses sol/air, ce qui se traduira par la perte de plusieurs Mirage F1. Les Irakiens mirent alors en œuvre une nouvelle méthode d’attaque basée sur une approche à très basse bas niveau suivie d’une montée en altitude pour s’en prendre aux moyens sol/air avant l’arrivée de la 2e vague. Néanmoins, les pertes furent sévères, en particulier parmi les pilotes « qualifiés Mirage », difficile à remplacer. Des stages de formation furent organisés en france mais le défaut de pilotes anciens se faisait sentir. Fin 1985, malgré 77 attaques sur l’île de Kharg, ce terminal pétrolier n’était toujours pas totalement neutralisé.
En août 1986, les Irakiens lancèrent des raids sur les installations de l’île de Sirri, à proximité du détroit d’Ormuz, à plus de 1300 km de leurs bases. A l’occasion de ces missions, menés à haute altitude pour économiser le carburant, ils utilisèrent des Antonov reconvertis en ravitailleurs. Ces raids ont prouvé la valeur technique des pilotes irakiens qui, non seulement devaient assurer une navigation précise, mais encore étaient forcés d’adopter un profil d’attaque rendu dangereux par la présence de Phantom basés dans cette région.
Fin 1986, les Irakiens lancèrent des attaques massives contre les installations militaires iraniennes, y compris un raid à très longue distance contre Larak, ce qui supposait un vol de missions aller-retour de plus de 3700 km. Ce type de missions était confié à des pilotes de Mirage F1 EQ5 particulièrement qualifiés ; malgré tout, certains durent se poser en Arabie Saoudite, à court de carburant. Ces raids déconcertèrent complètement les Iraniens qui pensaient êtres à l’abri de ce genre de surprise, leur inquiétude était grande car plusieurs pilotes pétroliers avaient été atteints au mouillage. Le ravitaillement en vol avait été assuré par des Antonov An-12 reconvertis dans ce rôle et dont 10 étaient disponibles. Les dispositifs de transfert de carburant étaient montés sur palettes et la perte de ravitaillement était installée sur la rampe arrière. Selon certaines informations, les Irakiens auraient également utilisés la technique de ravitaillement « buddy-buddy » à partir d’un avion de combat, mise au point par l’armée de l’air française. Parallèlement, leurs missions d’appui au sol se multipliaient. Mais si les missions à longue portée étaient mieux exécutés qu’au début du conflit, celles consacrées à l’appui rapproché manquaient toujours d’efficacité car menées à une altitude trop élevée.
Les pilotes irakiens avaient fait la preuve de leurs capacités techniques lors d’attaques d’objectifs maritimes dans le golfe. Cette forme d’action atteignit son point culminant quand un Mirage F1EQ prit pour cible le Stark, une frégate radar us qui croisaient à environ 80 miles de Barheïn, au sud de la zone d’exclusion iranienne. Cette attaque, qui devait coûter la vie à 37 marins américains, fut une démonstration de la capacité des avions irakiens à attaquer des objectifs maritimes, même de dimension réduite et capable de se défendre. Le 17 mai dans la soirée, un chasseur irakien décolla de la base de Shaiba pour une mission de nuit, phénomène assez rare pendant ce conflit. Pendant toute la durée de son vol, il fut suivi par un AWACS E-3A de l’armée de l’air américaine opérant à partir de la base de Darhan. A 19h55, l’Irakien était détecté et identifié comme étant un Mirage F1 faisant cap au sud. Cela ne sembla pas surprenant car il était normal pour les appareils irakiens de voler sur ce cap pour aller attaquer des objectifs maritimes à l’intérieure de la zone de sécurité iranienne. Une heure plus tard, ce mirage traversa la « late detect line » passant au milieu du golfe tout en tenant aussi prés que possible de la côte saoudienne. Il fut alors classé comme « écho critique » par la défense aérienne américaine.