Par Atman Bouharira : Retraité, Ex-Professeur Technique
Ceci est la réflexion d’un enseignant retraité, qui a passé une quarantaine d’années dans l’enseignement technique et qui a voulu parler du métier qui l’a passionné toute sa vie durant.
C’est à l’occasion de rencontres avec d’anciens collègues, toujours en fonction, que j’ai décidé de faire part de mon point de vue, espérant enrichir le débat sur un sujet qui demeure une des préoccupations les plus importantes de l’Education nationale depuis au moins les trente dernières années, pour notre pays autant que pour la quasi-totalité des autres pays du monde.
A la différence qu’ailleurs, le devenir de l’Enseignement technique est une priorité majeure. Il faut dire que si la communauté de l’Enseignement technique s’inquiète beaucoup des changements intervenus ces dernières années, l’incertitude sur la stabilité de leur poste de travail affole sérieusement les professeurs. Mais doit-on nous inquiéter seulement sur le devenir des enseignants ? Partant de mon expérience en qualité de professeur technique, professeur chef d’atelier, professeur chef de travaux, de formateur puis de directeur régional de deux antennes du CAMEMD durant les quatre dernières années de ma carrière - années durant lesquelles j’ai effectué plusieurs missions à l’étranger (Italie, France, Espagne, Angleterre) -, j’ai pensé pouvoir exprimer là un avis de terrain, espérant apporter une modeste contribution à l’éclaircissement de ce pan très important, pour ne pas dire vital pour l’avenir de notre éducation et, par extension, de notre industrie nationale. En l’absence de communication et d’informations concernant les motivations ainsi que les modalités du transfert de l’E.T. à la Formation professionnelle, j’ai inventorié une série de questions ou de préoccupations relatives à l’E.T., auxquelles j’ai essayé d’apporter un embryon de réponse.
- Quel est l’état de l’Enseignement technique de notre pays aujourd’hui ?
- Pourquoi des changements ?
- Comment et sur quels critères sont élaborés les programmes et les horaires et par qui ?
- Qu’est-ce qui a changé dans le monde et qui influe directement sur l’E.T.?
- A-t-on tenu compte de l’élément éducatif de l’élève futur ingénieur, futur technicien ou simple ouvrier ?
- A-t-on simplement tenu compte de notre milieu industriel et plus généralement de notre marché du travail ? A mon humble avis, il me semble que non. Et c’est ce qui a motivé cette réflexion.
BREF HISTORIQUE
L’Enseignement technique a réellement vu le jour en Algérie dans les années vingt avec la création des écoles professionnelles. La formation des ouvriers se faisant jusqu’alors sur le tas dans les ateliers et usines privés; puis à la fin des années trente, avec la création des centres de formation professionnelle des adultes (pour soutenir l’industrie de guerre). Ces écoles et centres étaient chargés de former, à travers un enseignement axé essentiellement sur la formation pratique, les ouvriers destinés aux rares petites usines ou entreprises implantées dans les grands centres ou aux ateliers de réparation de matériel agricole. Ces établissements accueillaient principalement des enfants de colons et quelques enfants de privilégiés algériens. Ceux-ci sont plus facilement orientés vers la formation professionnelle que vers les écoles professionnelles.
Ce n’est qu’à partir de 1945 que des centres d’apprentissage (CA) sont créés. Ils accueillaient les élèves issus du primaire ne pouvant accéder au collège ou au lycée. Ces derniers sont orientés vers les CA pour l’acquisition d’un CAP au bout de trois années d’études. L’enseignement dispensé comprenait environ 60% de travaux pratiques pour seulement 40% d’enseignement théorique. Ces établissements accueillaient un peu plus d’Algériens mais l’obtention du CAP n’était pour eux pas chose facile.
A partir de 1958, les centres d’apprentissage deviennent des Cours complémentaires d’enseignement professionnel (CCEP); quelques collèges et lycées techniques voient le jour dans les grands centres comme Alger, Dellys, Oran, Constantine et Annaba; les collèges et les lycées pour la formation de techniciens tandis que les CCEP pour les futurs ouvriers.
L’accès pour les Algériens devint plus facile dans les CA et CCEP que dans les lycées ou collèges. Les diplômes délivrés sont le Brevet d’enseignement industriel (BEI) ainsi que le Brevet professionnel (BP) pour les collèges techniques, le Baccalauréat technique pour les Lycées techniques tandis que le CAP se prépare toujours en trois ans dans les CA et CCEP.
Après l’indépendance, les CA deviennent Collèges d’enseignement technique (CET), puis Collèges nationaux d’enseignement technique (CNET) où l’on prépare le CAP en trois années et où les programmes appliqués sont ceux hérités d’avant l’indépendance (mis à part les matières sensibles telles que l’histoire, la géographie...)
En 1962, l’ENNEP (qui deviendra ENNET) est créée pour assurer la formation des Professeurs techniques adjoints (PTA), ainsi que les Professeurs d’enseignement technique théorique (PETT). L’école fermera ses portes au cours des années 70; elle est remplacée par l’ENSEP (qui deviendra ENSET) qui délivre la licence d’enseignement pour les professeurs techniques des Lycées techniques et Technicums.
Il faut rappeler que vers la fin des années 60, le CAP est réformé, certaines spécialités disparaissent des CNET au profit de la FPA comme la plomberie, la menuiserie, l’ébénisterie, la maçonnerie, la mécanique auto, la ferronnerie-serrurerie, etc.
Les CNET gardent pour eux les métiers de l’électricité et de la mécanique (ajustage, tournage, fraisage), qui deviendront par la suite mécanique générale option A et option B, et électricité bâtiment. Ceci jusqu’en 1974, où les CNET disparaissent et avec eux les CAP (décernés depuis par la Formation professionnelle seulement). Les CNET sont remplacés par les Technicums qui sont chargés de donner un enseignement modulaire de trois ans sanctionné par un Diplôme de technicien (DT).
Ces élèves étaient destinés soit à alimenter directement le marché du travail, soit pour les meilleurs permettre un accès à l’université pour l’acquisition du diplôme de technicien supérieur (cycle court).
Parallèlement, un bureau de recherche et de réalisations pédagogiques est créé à Oran. Un travail considérable a été réalisé; des programmes pour les technicums et les lycées techniques sont élaborés. Ce bureau a été dissous avec le système modulaire dans les technicums. Ce cycle n’a duré que trois années scolaires. Les technicums fonctionnent en parallèle avec les lycées techniques et utilisent les mêmes horaires, les mêmes programmes et délivrent les mêmes diplômes: le Baccalauréat de technicien.
Dans les années quatre-vingt, les technicums ont proliféré à un rythme accéléré; les professeurs techniques adjoints sont intégrés dans le corps des professeurs techniques de lycées techniques, et le corps des inspecteurs de l’enseignement technique et de la formation est créé. L’urgence a voulu que le seul critère de recrutement dans ce corps fût l’ancienneté en qualité de professeurs. Par ailleurs, durant les années 80-90, les horaires et programmes subissent plusieurs changements, sans pour autant atteindre une véritable réforme ni même des sommets pédagogiques. Ces changements successifs ont toujours eu lieu sous la pression des universitaires et se traduisaient seulement par l’augmentation des horaires de mathématiques et de physique, au détriment des travaux pratiques et des matières techniques.
Ce système demeure jusqu’au résultat actuel que nous connaissons.
Ceci est la réflexion d’un enseignant retraité, qui a passé une quarantaine d’années dans l’enseignement technique et qui a voulu parler du métier qui l’a passionné toute sa vie durant.
C’est à l’occasion de rencontres avec d’anciens collègues, toujours en fonction, que j’ai décidé de faire part de mon point de vue, espérant enrichir le débat sur un sujet qui demeure une des préoccupations les plus importantes de l’Education nationale depuis au moins les trente dernières années, pour notre pays autant que pour la quasi-totalité des autres pays du monde.
A la différence qu’ailleurs, le devenir de l’Enseignement technique est une priorité majeure. Il faut dire que si la communauté de l’Enseignement technique s’inquiète beaucoup des changements intervenus ces dernières années, l’incertitude sur la stabilité de leur poste de travail affole sérieusement les professeurs. Mais doit-on nous inquiéter seulement sur le devenir des enseignants ? Partant de mon expérience en qualité de professeur technique, professeur chef d’atelier, professeur chef de travaux, de formateur puis de directeur régional de deux antennes du CAMEMD durant les quatre dernières années de ma carrière - années durant lesquelles j’ai effectué plusieurs missions à l’étranger (Italie, France, Espagne, Angleterre) -, j’ai pensé pouvoir exprimer là un avis de terrain, espérant apporter une modeste contribution à l’éclaircissement de ce pan très important, pour ne pas dire vital pour l’avenir de notre éducation et, par extension, de notre industrie nationale. En l’absence de communication et d’informations concernant les motivations ainsi que les modalités du transfert de l’E.T. à la Formation professionnelle, j’ai inventorié une série de questions ou de préoccupations relatives à l’E.T., auxquelles j’ai essayé d’apporter un embryon de réponse.
- Quel est l’état de l’Enseignement technique de notre pays aujourd’hui ?
- Pourquoi des changements ?
- Comment et sur quels critères sont élaborés les programmes et les horaires et par qui ?
- Qu’est-ce qui a changé dans le monde et qui influe directement sur l’E.T.?
- A-t-on tenu compte de l’élément éducatif de l’élève futur ingénieur, futur technicien ou simple ouvrier ?
- A-t-on simplement tenu compte de notre milieu industriel et plus généralement de notre marché du travail ? A mon humble avis, il me semble que non. Et c’est ce qui a motivé cette réflexion.
BREF HISTORIQUE
L’Enseignement technique a réellement vu le jour en Algérie dans les années vingt avec la création des écoles professionnelles. La formation des ouvriers se faisant jusqu’alors sur le tas dans les ateliers et usines privés; puis à la fin des années trente, avec la création des centres de formation professionnelle des adultes (pour soutenir l’industrie de guerre). Ces écoles et centres étaient chargés de former, à travers un enseignement axé essentiellement sur la formation pratique, les ouvriers destinés aux rares petites usines ou entreprises implantées dans les grands centres ou aux ateliers de réparation de matériel agricole. Ces établissements accueillaient principalement des enfants de colons et quelques enfants de privilégiés algériens. Ceux-ci sont plus facilement orientés vers la formation professionnelle que vers les écoles professionnelles.
Ce n’est qu’à partir de 1945 que des centres d’apprentissage (CA) sont créés. Ils accueillaient les élèves issus du primaire ne pouvant accéder au collège ou au lycée. Ces derniers sont orientés vers les CA pour l’acquisition d’un CAP au bout de trois années d’études. L’enseignement dispensé comprenait environ 60% de travaux pratiques pour seulement 40% d’enseignement théorique. Ces établissements accueillaient un peu plus d’Algériens mais l’obtention du CAP n’était pour eux pas chose facile.
A partir de 1958, les centres d’apprentissage deviennent des Cours complémentaires d’enseignement professionnel (CCEP); quelques collèges et lycées techniques voient le jour dans les grands centres comme Alger, Dellys, Oran, Constantine et Annaba; les collèges et les lycées pour la formation de techniciens tandis que les CCEP pour les futurs ouvriers.
L’accès pour les Algériens devint plus facile dans les CA et CCEP que dans les lycées ou collèges. Les diplômes délivrés sont le Brevet d’enseignement industriel (BEI) ainsi que le Brevet professionnel (BP) pour les collèges techniques, le Baccalauréat technique pour les Lycées techniques tandis que le CAP se prépare toujours en trois ans dans les CA et CCEP.
Après l’indépendance, les CA deviennent Collèges d’enseignement technique (CET), puis Collèges nationaux d’enseignement technique (CNET) où l’on prépare le CAP en trois années et où les programmes appliqués sont ceux hérités d’avant l’indépendance (mis à part les matières sensibles telles que l’histoire, la géographie...)
En 1962, l’ENNEP (qui deviendra ENNET) est créée pour assurer la formation des Professeurs techniques adjoints (PTA), ainsi que les Professeurs d’enseignement technique théorique (PETT). L’école fermera ses portes au cours des années 70; elle est remplacée par l’ENSEP (qui deviendra ENSET) qui délivre la licence d’enseignement pour les professeurs techniques des Lycées techniques et Technicums.
Il faut rappeler que vers la fin des années 60, le CAP est réformé, certaines spécialités disparaissent des CNET au profit de la FPA comme la plomberie, la menuiserie, l’ébénisterie, la maçonnerie, la mécanique auto, la ferronnerie-serrurerie, etc.
Les CNET gardent pour eux les métiers de l’électricité et de la mécanique (ajustage, tournage, fraisage), qui deviendront par la suite mécanique générale option A et option B, et électricité bâtiment. Ceci jusqu’en 1974, où les CNET disparaissent et avec eux les CAP (décernés depuis par la Formation professionnelle seulement). Les CNET sont remplacés par les Technicums qui sont chargés de donner un enseignement modulaire de trois ans sanctionné par un Diplôme de technicien (DT).
Ces élèves étaient destinés soit à alimenter directement le marché du travail, soit pour les meilleurs permettre un accès à l’université pour l’acquisition du diplôme de technicien supérieur (cycle court).
Parallèlement, un bureau de recherche et de réalisations pédagogiques est créé à Oran. Un travail considérable a été réalisé; des programmes pour les technicums et les lycées techniques sont élaborés. Ce bureau a été dissous avec le système modulaire dans les technicums. Ce cycle n’a duré que trois années scolaires. Les technicums fonctionnent en parallèle avec les lycées techniques et utilisent les mêmes horaires, les mêmes programmes et délivrent les mêmes diplômes: le Baccalauréat de technicien.
Dans les années quatre-vingt, les technicums ont proliféré à un rythme accéléré; les professeurs techniques adjoints sont intégrés dans le corps des professeurs techniques de lycées techniques, et le corps des inspecteurs de l’enseignement technique et de la formation est créé. L’urgence a voulu que le seul critère de recrutement dans ce corps fût l’ancienneté en qualité de professeurs. Par ailleurs, durant les années 80-90, les horaires et programmes subissent plusieurs changements, sans pour autant atteindre une véritable réforme ni même des sommets pédagogiques. Ces changements successifs ont toujours eu lieu sous la pression des universitaires et se traduisaient seulement par l’augmentation des horaires de mathématiques et de physique, au détriment des travaux pratiques et des matières techniques.
Ce système demeure jusqu’au résultat actuel que nous connaissons.