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    Réflexion sur l’enseignement technique en Algérie

    Thor
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    Nakib
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    Nombre de messages : 2938
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    Réflexion sur l’enseignement technique en Algérie Empty Réflexion sur l’enseignement technique en Algérie

    Message  Thor Mer 17 Jan 2007 - 10:14

    Par Atman Bouharira : Retraité, Ex-Professeur Technique
    Ceci est la réflexion d’un enseignant retraité, qui a passé une quarantaine d’années dans l’enseignement technique et qui a voulu parler du métier qui l’a passionné toute sa vie durant.

    C’est à l’occasion de rencontres avec d’anciens collègues, toujours en fonction, que j’ai décidé de faire part de mon point de vue, espérant enrichir le débat sur un sujet qui demeure une des préoccupations les plus importantes de l’Education nationale depuis au moins les trente dernières années, pour notre pays autant que pour la quasi-totalité des autres pays du monde.

    A la différence qu’ailleurs, le devenir de l’Enseignement technique est une priorité majeure. Il faut dire que si la communauté de l’Enseignement technique s’inquiète beaucoup des changements intervenus ces dernières années, l’incertitude sur la stabilité de leur poste de travail affole sérieusement les professeurs. Mais doit-on nous inquiéter seulement sur le devenir des enseignants ? Partant de mon expérience en qualité de professeur technique, professeur chef d’atelier, professeur chef de travaux, de formateur puis de directeur régional de deux antennes du CAMEMD durant les quatre dernières années de ma carrière - années durant lesquelles j’ai effectué plusieurs missions à l’étranger (Italie, France, Espagne, Angleterre) -, j’ai pensé pouvoir exprimer là un avis de terrain, espérant apporter une modeste contribution à l’éclaircissement de ce pan très important, pour ne pas dire vital pour l’avenir de notre éducation et, par extension, de notre industrie nationale. En l’absence de communication et d’informations concernant les motivations ainsi que les modalités du transfert de l’E.T. à la Formation professionnelle, j’ai inventorié une série de questions ou de préoccupations relatives à l’E.T., auxquelles j’ai essayé d’apporter un embryon de réponse.

    - Quel est l’état de l’Enseignement technique de notre pays aujourd’hui ?
    - Pourquoi des changements ?
    - Comment et sur quels critères sont élaborés les programmes et les horaires et par qui ?
    - Qu’est-ce qui a changé dans le monde et qui influe directement sur l’E.T.?
    - A-t-on tenu compte de l’élément éducatif de l’élève futur ingénieur, futur technicien ou simple ouvrier ?
    - A-t-on simplement tenu compte de notre milieu industriel et plus généralement de notre marché du travail ? A mon humble avis, il me semble que non. Et c’est ce qui a motivé cette réflexion.

    BREF HISTORIQUE
    L’Enseignement technique a réellement vu le jour en Algérie dans les années vingt avec la création des écoles professionnelles. La formation des ouvriers se faisant jusqu’alors sur le tas dans les ateliers et usines privés; puis à la fin des années trente, avec la création des centres de formation professionnelle des adultes (pour soutenir l’industrie de guerre). Ces écoles et centres étaient chargés de former, à travers un enseignement axé essentiellement sur la formation pratique, les ouvriers destinés aux rares petites usines ou entreprises implantées dans les grands centres ou aux ateliers de réparation de matériel agricole. Ces établissements accueillaient principalement des enfants de colons et quelques enfants de privilégiés algériens. Ceux-ci sont plus facilement orientés vers la formation professionnelle que vers les écoles professionnelles.

    Ce n’est qu’à partir de 1945 que des centres d’apprentissage (CA) sont créés. Ils accueillaient les élèves issus du primaire ne pouvant accéder au collège ou au lycée. Ces derniers sont orientés vers les CA pour l’acquisition d’un CAP au bout de trois années d’études. L’enseignement dispensé comprenait environ 60% de travaux pratiques pour seulement 40% d’enseignement théorique. Ces établissements accueillaient un peu plus d’Algériens mais l’obtention du CAP n’était pour eux pas chose facile.

    A partir de 1958, les centres d’apprentissage deviennent des Cours complémentaires d’enseignement professionnel (CCEP); quelques collèges et lycées techniques voient le jour dans les grands centres comme Alger, Dellys, Oran, Constantine et Annaba; les collèges et les lycées pour la formation de techniciens tandis que les CCEP pour les futurs ouvriers.

    L’accès pour les Algériens devint plus facile dans les CA et CCEP que dans les lycées ou collèges. Les diplômes délivrés sont le Brevet d’enseignement industriel (BEI) ainsi que le Brevet professionnel (BP) pour les collèges techniques, le Baccalauréat technique pour les Lycées techniques tandis que le CAP se prépare toujours en trois ans dans les CA et CCEP.

    Après l’indépendance, les CA deviennent Collèges d’enseignement technique (CET), puis Collèges nationaux d’enseignement technique (CNET) où l’on prépare le CAP en trois années et où les programmes appliqués sont ceux hérités d’avant l’indépendance (mis à part les matières sensibles telles que l’histoire, la géographie...)

    En 1962, l’ENNEP (qui deviendra ENNET) est créée pour assurer la formation des Professeurs techniques adjoints (PTA), ainsi que les Professeurs d’enseignement technique théorique (PETT). L’école fermera ses portes au cours des années 70; elle est remplacée par l’ENSEP (qui deviendra ENSET) qui délivre la licence d’enseignement pour les professeurs techniques des Lycées techniques et Technicums.

    Il faut rappeler que vers la fin des années 60, le CAP est réformé, certaines spécialités disparaissent des CNET au profit de la FPA comme la plomberie, la menuiserie, l’ébénisterie, la maçonnerie, la mécanique auto, la ferronnerie-serrurerie, etc.

    Les CNET gardent pour eux les métiers de l’électricité et de la mécanique (ajustage, tournage, fraisage), qui deviendront par la suite mécanique générale option A et option B, et électricité bâtiment. Ceci jusqu’en 1974, où les CNET disparaissent et avec eux les CAP (décernés depuis par la Formation professionnelle seulement). Les CNET sont remplacés par les Technicums qui sont chargés de donner un enseignement modulaire de trois ans sanctionné par un Diplôme de technicien (DT).

    Ces élèves étaient destinés soit à alimenter directement le marché du travail, soit pour les meilleurs permettre un accès à l’université pour l’acquisition du diplôme de technicien supérieur (cycle court).

    Parallèlement, un bureau de recherche et de réalisations pédagogiques est créé à Oran. Un travail considérable a été réalisé; des programmes pour les technicums et les lycées techniques sont élaborés. Ce bureau a été dissous avec le système modulaire dans les technicums. Ce cycle n’a duré que trois années scolaires. Les technicums fonctionnent en parallèle avec les lycées techniques et utilisent les mêmes horaires, les mêmes programmes et délivrent les mêmes diplômes: le Baccalauréat de technicien.

    Dans les années quatre-vingt, les technicums ont proliféré à un rythme accéléré; les professeurs techniques adjoints sont intégrés dans le corps des professeurs techniques de lycées techniques, et le corps des inspecteurs de l’enseignement technique et de la formation est créé. L’urgence a voulu que le seul critère de recrutement dans ce corps fût l’ancienneté en qualité de professeurs. Par ailleurs, durant les années 80-90, les horaires et programmes subissent plusieurs changements, sans pour autant atteindre une véritable réforme ni même des sommets pédagogiques. Ces changements successifs ont toujours eu lieu sous la pression des universitaires et se traduisaient seulement par l’augmentation des horaires de mathématiques et de physique, au détriment des travaux pratiques et des matières techniques.

    Ce système demeure jusqu’au résultat actuel que nous connaissons.
    Thor
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    Nakib
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    Réflexion sur l’enseignement technique en Algérie Empty Re: Réflexion sur l’enseignement technique en Algérie

    Message  Thor Mer 17 Jan 2007 - 10:17

    ENSEIGNEMENT TECHNIQUE,
    ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL
    ET FORMATION PROFESSIONNELLE

    1) L’Enseignement technique. Jusqu’en 2005, il a été conçu comme un enseignement «semi-professionnel» du fait que les élèves sortant de ce système sont orientés vers le cycle court à l’université, mais ne peuvent pas occuper un poste de travail directement en entreprise sans subir un stage ou une période d’adaptation plus ou moins longue; ce qui nécessite pour le recruteur un investissement supplémentaire dont il pouvait se passer. En outre, les changements successifs d’horaires et de programmes n’ont jamais réussi à rendre cet enseignement à la hauteur de ce qu’il aurait dû être, c’est-à-dire performant et en phase avec le niveau des entreprises qui, elles, se sont quelque peu modernisées.

    2) Enseignement professionnel et Formation professionnelle

    N’y a-t-il pas confusion entre Enseignement professionnel et Formation professionnelle ? Quand on sait que les publics concernés par ces deux systèmes sont différents, que les méthodes pédagogiques sont différentes, que les objectifs de formation sont différents, que la durée de formation n’est pas la même, que l’organisation pédagogique des établissements n’est pas la même.

    S’agissant de la Formation professionnelle, celle-ci s’adresse essentiellement à des adultes pour l’acquisition d’un métier dans un temps relativement court, afin d’occuper un poste de travail d’ouvrier qualifié. Tandis que l’Enseignement professionnel s’adresse aux sortants du collège pour suivre au moins trois années d’études en vue de l’acquisition d’un diplôme permettant, soit d’occuper un poste de technicien de niveau IV en entreprise, soit permettre la poursuite des études en institut universitaire pour une formation de technicien supérieur et, pour les meilleurs, pouvoir aller jusqu’au diplôme d’ingénieur d’application.

    LA MONDIALISATION ET SES CONSÉQUENCES SUR LE SYSTÈME
    D’ENSEIGNEMENT ET DE LA FORMATION

    Dans un écrit officiel de 1998, il est dit au sujet de la mondialisation et des mutations technologiques et la révolution de la communication: «Le monde contemporain, dopé par la révolution de l’information et de la communication, vit une accélération vertigineuse des connaissances, du savoir et des savoir-faire, eux-mêmes source d’innovations technologiques et de progrès social». «Le volume de la connaissance universelle double en moyenne tous les 10 ans et la moitié des données en technologie deviennent obsolètes au bout de cinq ans». «Dans un monde technologique qui tourne si vite, il n’existe plus guère de métiers parfaitement repérés et la crédibilité du système éducatif algérien résidera dans sa capacité à anticiper, conduire et maîtriser, conjointement avec les sphères de la vie professionnelle, l’évolution des métiers».

    Aucune connaissance acquise ne peut l’être d’une manière absolue, définitive; l’apprenant doit avoir la capacité de revoir ses acquis en permanence, en tous les cas à chaque fois que de besoin. «Il doit apprendre à apprendre».

    Il est dit également: «Le développement accéléré des moyens de communication et des transports, l’intensification des échanges inter-Etats, l’internationalisation des entreprises, la densification des rapports commerciaux et la mondialisation des enjeux ont bouleversé la vision du monde et conduisent aujourd’hui à la globalisation de l’économie mondiale».

    Par ce fait, le marché du travail est amené à subir des changements qui auront une répercussion certaine dans le domaine de l’éducation et de la formation; s’imposera alors une formation tout au long de la vie et le renouvellement régulier de l’enseignement technique et professionnel, ainsi qu’un perfectionnement continu des connaissances et des compétences.

    «A moins qu’une réforme ne soit rapidement mise en oeuvre pour accroître les performances du système éducatif, le pays risque de franchir le seuil du troisième millénaire insuffisamment préparé pour la compétition qui se dessine dans le cadre de la globalisation de l’économie mondiale, lorsque la croissance sera fondamentalement et plus que jamais basée sur le savoir scientifique et technique ainsi que sur les savoir-faire technologiques». A l’évidence, c’est d’une actualité brûlante.

    La plupart des pays, y compris les pays en voie de développement, ont depuis quelques dizaines d’années déjà procédé à la réforme de leurs systèmes de formation et de leur enseignement technique en particulier. Cela, à la lumière des changements économiques, sociaux et politiques induits par la MONDIALISATION. Au départ, la majorité de ces Etats étaient confrontés au même problème qu’était le décalage existant entre leurs systèmes de formation et le milieu industriel, lequel a évolué plus vite que l’E.T. C’est-à-dire que ce que nous enseignons à nos élèves est souvent dépassé par ce qui existe dans l’industrie. Ce qui nécessite des stages supplémentaires d’adaptation au poste de travail plus ou moins longs. Si chacun de ces pays a procédé selon ses propres impératifs à la réforme de son système de formation, tous par contre ont adopté une démarche généralement identique, à quelques différences près.

    C’est-à-dire qu’ils ont tenu compte des bouleversements provoqués par la mondialisation sur le monde du travail. Tous ont élaboré une démarche rationnelle et sont arrivés à réaliser leurs objectifs, ou sont sur le point de le faire, avec plus ou moins de bonheur. Chez nous, le rapprochement entre l’école et l’industrie a été une préoccupation constante depuis au moins 1990, sans pour autant trouver une véritable solution à ce problème. Pourquoi ?

    La réponse peut paraître simple de prime abord: le problème n’a pas été abordé sous tous ses aspects, et surtout sous l’aspect socio-économique. En effet, pendant longtemps, nous avons pensé que l’institution des stages en entreprise ainsi que la conclusion de contrats de vente des objets fabriqués dans les établissements allaient régler le problème. Si ces décisions ont été sans aucun doute une bonne chose, il n’en demeure pas moins qu’on s’est vite aperçu que cela était insuffisant et que le problème était un peu plus compliqué.

    Autre incohérence: l’introduction de l’étude d’un logiciel de fabrication (CFAO) à partir de la deuxième AS. A-t-on pensé à ce que cela implique pour l’élève qui doit d’abord posséder certains prérequis ? Comme, par exemple, d’assez bonnes notions en informatique, en dessin assisté par ordinateur (DAO) et surtout de sérieuses notions en technologie des fabrications.

    Actuellement, ni dans la définition de nos profils de formation, ni dans la définition des équipements technico-pédagogiques, ni dans l’élaboration des programmes d’enseignement, il n’est tenu compte de ces changements. Beaucoup d’enseignants et de responsables pédagogiques, particulièrement ceux du technique, se sont rendus à l’étranger à l’occasion de missions pédagogiques sous l’égide de l’Inspection générale du Ministère ou de missions techniques sous l’égide du CAMEMD; ils auraient pu constater de visu ces profonds changements, cela aurait dû les inspirer ou éveiller leur attention. Malheureusement, cela n’a jamais été le cas...

    Nous devons savoir, par exemple, que la réflexion sur la conception d’un produit ou d’un service a complètement changé, que l’organisation de la production a changé, que les stocks de produits sont réduits au minimum, que l’on ne fabrique désormais que ce qui est potentiellement vendable et que ce produit, pour se vendre, doit être conçu et adapté au besoin du client. Nous devons admettre que la gestion de l’espace et du temps est un élément très important dans la conception et la production; enfin que les notions fondamentales comme la précision, la rigueur, l’économie ainsi que l’esthétique doivent être inculquées très tôt à l’école et a fortiori dans l’Enseignement technique et professionnel.

    L’erreur serait de croire que ceci ne peut nous concerner, et considérer que notre enseignement et, par extension, notre industrie sont et demeureront attachés aux vieilles méthodes du passé. En effet, pendant longtemps, nous avons pensé que l’institution des stages en entreprise, ainsi que la conclusion de contrats de vente des objets fabriqués dans les établissements régleraient le problème. Si ces décisions ont été sans aucun doute une bonne chose, il n’en demeure pas moins qu’on s’est vite aperçu que cela était insuffisant et que le problème était un peu plus compliqué.

    Le Quotidien d'Oran
    17 Janvier 2007

      La date/heure actuelle est Dim 19 Mai 2024 - 20:51